Tous et toutes narcissiques !
Commençons par mettre brièvement les choses à plat. Tous et toutes, autant que nous sommes, avons en nous une certaine part (ou trait de personnalité) narcissique ; un « Mini-Moi » qui nous permet d’avoir confiance en nous et d’assurer dans la vie et en société.
Parfois, cette petite voix intérieure peut même se montrer un brin suffisante, voire cruelle … Occasionnellement, elle peut faire en sorte que vous vous la pétiez ou que vous manipuliez votre entourage pour parvenir à vos fins. Eh bien surprise ! Cela ne fait pas de vous un narcissique pathologique. D’ailleurs, on parle même de narcissisme sain !
Les termes du narcissisme pathologique
Hélas, ce qui devrait n’être qu’un humble petit melon peut pour certaines personnes ressembler à une monstrueuse pastèque et là, là oui, ça peut vraiment piquer pour l’entourage. Et on peut alors commencer à s’interroger sur l’éventuelle existence d’un narcissisme pathologique …
Ce terme de « narcissisme pathologique » englobe plusieurs concepts et dénominations, chacun et chacune ayant des nuances spécifiques en fonction de la perspective que l’on prend. Ici, si vous me le permettez, je vais prendre un peu de temps pour résumer les principaux points de vue que j’ai pu relever car, devant l’abondance d’informations et de sources sur le sujet, je trouve qu’un peu de recul ne nous fera pas de mal.
Perspective psychanalytique : le pervers narcissique
Perspective psychiatrique : le trouble de la personnalité narcissique
Perspective psychologique : le narcissisme grandiose et vulnérable
Perspective populaire et culturelle : tout le reste
Un consensus : une personnalité à fuir !
Bien que les termes et les perspectives varient, ils convergent tous (si l’on excepte les abus de langage) vers l’idée d’un comportement centré sur soi, manquant d’empathie, manipulateur, violent et destructeur pour les relations interpersonnelles. En bref, une personnalité à fuir à tout prix.
Dans la suite de cet article, je tâcherai par convention d’utiliser le terme de narcissisme (ou narcissique) pathologique, abrégé en NP. S’il peut m’arriver d’utiliser d’autres termes, notez qu’ils se référeront tous à la définition consensuelle que nous venons de poser.
Comment devient-on NP ?
Les conséquences d’une exposition prolongée au NP
Comment savoir si l’on est victime de NP ?
On peut être victime au sein de son couple, de sa famille ou de son entreprise. On peut être victime d’une ou de plusieurs personnes en même temps.
Dans tous les cas, les éléments suivants doivent vous alerter :
- Vous n’arrivez pas à cerner l’autre, à comprendre ses intentions ;
- Vous avez l’impression de ne plus pouvoir réfléchir et, ou, d’être figé.e ;
- Vous avez l’impression qu’il ou elle souffle tout le temps le chaud et le froid ;
- Vous vous sentez isolé.e et, ou, vos proches semblent se retourner contre vous ;
- Vous n’avez plus confiance en vous et, ou, vous ne savez plus qui vous êtes ;
- Vous vous sentez coupable, tout le temps, de tout et de rien ;
- Vous doutez de vous, de votre perceptions, de vos souvenirs ;
- Vous vous sentez dénigré.e, dévalorisé.e, humilié.e ;
- Vous avez le sentiment qu’il ou elle est indifférent.e à votre souffrance et, ou, nie vos émotions ;
- Vous avez parfois l’impression de devenir folle, fou ;
- Vous avez l’impression d’être un objet, d’être utilisé.e ;
- Vous vous sentez épuisé.e, vide, sans énergie ;
- Votre corps vous fait souffrir et, ou, vous tombez malade pour un rien ;
- Vous avez des idées suicidaires
En complément, je vous invite à regarder où se situe votre relation sur le violentomètre. Si la tendance est à cocher de l’orange ou du rouge plutôt que du vert, réagissez !
Je rappelle au passage que le harcèlement moral, en privé comme au travail, est en France un délit passible d’amende et d’emprisonnement.
Comment se faire aider ?
- Consulter un thérapeute spécialisé pour aider à comprendre la situation, à développer des stratégies pour en sortir et pour identifier les personnes et structures « ressources » dont vous pourriez bénéficier ;
- S’entourer de soutien en parlant à des amis, à la famille ou à des groupes de soutien peut permettre de retrouver un espace sécure et de partager ses expériences. Attention, un manipulateur peut avoir influencé ou influencer votre entourage et demander de l’aide pourrait alors se retourner contre vous. En priorité, cherchez du soutien auprès de proches en qui vous avez une totale confiance ou de personnes extérieures au système, comme des associations. Je vous mets ici plusieurs points de contact, compilés par le collectif NousToutes ;
- Fuir, ou combattre si la fuite est impossible. Au bout du compte, vous devrez agir. Avec le soutien d’un professionnel et du soutien social certes, mais vous devrez agir. Il faudra alors mettre un terme à la relation toxique. Si la fuite n’est pas possible, il vous faudra des armes pour vous défendre. Dans tous les cas, il faudra vous protéger, que la relation perdure ou qu’elle cesse, car les narcissiques pathologiques ne lâchent pas facilement leur proie. Dans le cas d’une relation toxique de couple avec enfants, les enfants devront également être protégés.
Peut-on aider les NP ?
Excellente question. Aider un NP est extrêmement difficile et souvent infructueux. Si les NP « vulnérables » peuvent éventuellement souffrir de leur situation, reconnaître leurs comportements problématiques et être enclins à changer, il est illusoire d’en attendre autant des NP « grandioses » puisque a priori leur situation leur convient très bien.
Pour les NP qui souffrent et qui viendront consulter, une thérapie peut être bénéfique. Elle implique naturellement une volonté de s’engager dans un processus de changement. Dans ce cas, le thérapeute amènera la personne à identifier ses états internes, réfléchir sur soi, développer l’empathie, prendre conscience de ce que l’autre vit, etc. On comprend bien qu’un accompagnement de ce type peut être long.
Quoiqu’il en soit, côté victime, il est beaucoup plus réaliste de se concentrer sur sa propre guérison plutôt que d’essayer de changer le comportement d’un NP. D’ailleurs, dans bien des cas, les personnes que je reçois ont usé leur corde jusqu’au bout en tentant de le faire. En vain.
Pour creuser le sujet ...
Hirigoyen, M-F. (2011). Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien. Syros.
Todorova, E. (2021). Dis bonjour sale pute : comprendre le harcèlement de rue, le dénoncer et agir. Leduc.