Point sur … le narcissisme pathologique

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Nicolas Cage dans "Embrasse-moi, vampire"

Tous et toutes narcissiques !

Commençons par mettre brièvement les choses à plat. Tous et toutes, autant que nous sommes, avons en nous une certaine part (ou trait de personnalité) narcissique ; un « Mini-Moi » qui nous permet d’avoir confiance en nous et d’assurer dans la vie et en société.

Parfois, cette petite voix intérieure peut même se montrer un brin suffisante, voire cruelle … Occasionnellement, elle peut faire en sorte que vous vous la pétiez ou que vous manipuliez votre entourage pour parvenir à vos fins. Eh bien surprise ! Cela ne fait pas de vous un narcissique pathologique. D’ailleurs, on parle même de narcissisme sain !

Les termes du narcissisme pathologique

Hélas, ce qui devrait n’être qu’un humble petit melon peut pour certaines personnes ressembler à une monstrueuse pastèque et là, là oui, ça peut vraiment piquer pour l’entourage. Et on peut alors commencer à s’interroger sur l’éventuelle existence d’un narcissisme pathologique …

Ce terme de « narcissisme pathologique » englobe plusieurs concepts et dénominations, chacun et chacune ayant des nuances spécifiques en fonction de la perspective que l’on prend. Ici, si vous me le permettez, je vais prendre un peu de temps pour résumer les principaux points de vue que j’ai pu relever car, devant l’abondance d’informations et de sources sur le sujet, je trouve qu’un peu de recul ne nous fera pas de mal.

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Mini-Moi et le Dr Denfer dans la saga Austin Powers

Perspective psychanalytique : le pervers narcissique

Les termes de « pervers narcissique » (PN) ou encore de « pervers narcissique manipulateur » (PNM) sont souvent utilisés en psychanalyse pour décrire une personne qui manipule et exploite les autres pour renforcer son propre égo. Ce concept a été popularisé par des auteurs comme Paul-Claude Racamier et constitue d’ailleurs peu ou prou, comme le camembert, une spécificité française. En bref, le pervers narcissique utilise la séduction et la manipulation pour dominer et détruire psychologiquement ses victimes. En psychanalyse, on parle même de meurtre psychique !

Perspective psychiatrique : le trouble de la personnalité narcissique

Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), qui, dans sa version 5, fait aujourd’hui référence en psychiatrie, définit le trouble de la personnalité narcissique comme un schéma omniprésent de grandeur (en fantaisie ou en comportement), un besoin d’admiration et un manque d’empathie. Les critères diagnostiques incluent des comportements tels que l’exagération de ses réalisations, un sentiment de supériorité et une exploitation des autres.

Perspective psychologique : le narcissisme grandiose et vulnérable

Paul Wink, psychologue à l’université de Berkeley, a identifié deux sous-types de narcissisme : le narcissisme grandiose et le narcissisme vulnérable. Le premier se caractérise par une surestimation de soi et un besoin constant d’admiration, tandis que le second est marqué par une hypersensibilité aux critiques ainsi qu’un sentiment de honte et d’insécurité.

Perspective populaire et culturelle : tout le reste

Les termes de « personne toxique », de « gaslighter », de « vampire », de « stalker » etc. sont souvent utilisés dans le langage courant pour décrire des personnes aux comportements nuisibles. Un stalker vous harcèle de manière obsessionnelle, un gaslighter vous fait douter de vous-même, une personne toxique porte atteinte à votre bien-être … En parallèle, le « PN » cher aux psychanalystes a aujourd’hui également intégré le langage courant, le mot étant d’ailleurs souvent utilisé à tort et à travers. Depuis quelques années, la pathologie tend même à être mise sur une piédestal dans la Dark Romance, sous-genre littéraire aujourd’hui très controversé.

Un consensus : une personnalité à fuir !

Bien que les termes et les perspectives varient, ils convergent tous (si l’on excepte les abus de langage) vers l’idée d’un comportement centré sur soi, manquant d’empathie, manipulateur, violent et destructeur pour les relations interpersonnelles. En bref, une personnalité à fuir à tout prix.

Dans la suite de cet article, je tâcherai par convention d’utiliser le terme de narcissisme (ou narcissique) pathologique, abrégé en NP. S’il peut m’arriver d’utiliser d’autres termes, notez qu’ils se référeront tous à la définition consensuelle que nous venons de poser.

Comment devient-on NP ?

Sur ce point, la recherche scientifique avance mais n’a pas encore tranché. Il serait question d’influences génétiques, socio-économico-culturelles (individualisme occidental, capitalisme, etc.) ou encore éducationnelles (enfant ayant grandi sur un piédestal ou à l’inverse, qui a manqué de reconnaissance). L’esprit humain étant complexe par nature, il est probable qu’il y ait un peu de chaque ingrédient dans la recette du NP.

Les conséquences d’une exposition prolongée au NP

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© Istock / rudall30 - Le suicide forcé
Les victimes de narcissisme pathologique subissent souvent des conséquences psychologiques et émotionnelles graves. Elles peuvent souffrir d’anxiété, de dépression, d’une perte de confiance en soi, d’un sentiment de culpabilité. Du point de vue du PN, ces troubles peuvent d’ailleurs justifier le harcèlement ! La manipulation constante et les critiques peuvent également mener à un isolement social et à une dépendance émotionnelle envers l’agresseur (oui, il s’agit bien d’une agression). Les victimes peuvent également éprouver des difficultés à se reconstruire après avoir quitté une relation toxique.

Comment savoir si l’on est victime de NP ?

On peut être victime au sein de son couple, de sa famille ou de son entreprise. On peut être victime d’une ou de plusieurs personnes en même temps.

Dans tous les cas, les éléments suivants doivent vous alerter :

  • Vous n’arrivez pas à cerner l’autre, à comprendre ses intentions ;
  • Vous avez l’impression de ne plus pouvoir réfléchir et, ou, d’être figé.e ;
  • Vous avez l’impression qu’il ou elle souffle tout le temps le chaud et le froid ;
  • Vous vous sentez isolé.e et, ou, vos proches semblent se retourner contre vous ;
  • Vous n’avez plus confiance en vous et, ou, vous ne savez plus qui vous êtes ;
  • Vous vous sentez coupable, tout le temps, de tout et de rien ;
  • Vous doutez de vous, de votre perceptions, de vos souvenirs ;
  • Vous vous sentez dénigré.e, dévalorisé.e, humilié.e ;
  • Vous avez le sentiment qu’il ou elle est indifférent.e à votre souffrance et, ou, nie vos émotions ;
  • Vous avez parfois l’impression de devenir folle, fou ;
  • Vous avez l’impression d’être un objet, d’être utilisé.e ;
  • Vous vous sentez épuisé.e, vide, sans énergie ;
  • Votre corps vous fait souffrir et, ou, vous tombez malade pour un rien ;
  • Vous avez des idées suicidaires

En complément, je vous invite à regarder où se situe votre relation sur le violentomètre. Si la tendance est à cocher de l’orange ou du rouge plutôt que du vert, réagissez !

Je rappelle au passage que le harcèlement moral, en privé comme au travail, est en France un délit passible d’amende et d’emprisonnement.

Comment se faire aider ?

Rien, absolument rien, ne justifie jamais la violence, quelle qu’en soit la forme. Il est crucial que celles ou ceux qui pensent être la cible d’un NP demandent de l’aide. Malheureusement, c’est souvent une question de vie ou de mort. Voici quelques étapes à suivre :
 
  • Consulter un thérapeute spécialisé pour aider à comprendre la situation, à développer des stratégies pour en sortir et pour identifier les personnes et structures « ressources » dont vous pourriez bénéficier ;
  • S’entourer de soutien en parlant à des amis, à la famille ou à des groupes de soutien peut permettre de retrouver un espace sécure et de partager ses expériences. Attention, un manipulateur peut avoir influencé ou influencer votre entourage et demander de l’aide pourrait alors se retourner contre vous. En priorité, cherchez du soutien auprès de proches en qui vous avez une totale confiance ou de personnes extérieures au système, comme des associations. Je vous mets ici plusieurs points de contact, compilés par le collectif NousToutes ;
  • Fuir, ou combattre si la fuite est impossible. Au bout du compte, vous devrez agir. Avec le soutien d’un professionnel et du soutien social certes, mais vous devrez agir. Il faudra alors mettre un terme à la relation toxique. Si la fuite n’est pas possible, il vous faudra des armes pour vous défendre. Dans tous les cas, il faudra vous protéger, que la relation perdure ou qu’elle cesse, car les narcissiques pathologiques ne lâchent pas facilement leur proie. Dans le cas d’une relation toxique de couple avec enfants, les enfants devront également être protégés.

Peut-on aider les NP ?

Excellente question. Aider un NP est extrêmement difficile et souvent infructueux. Si les NP « vulnérables » peuvent éventuellement souffrir de leur situation, reconnaître leurs comportements problématiques et être enclins à changer, il est illusoire d’en attendre autant des NP « grandioses » puisque a priori leur situation leur convient très bien.

Pour les NP qui souffrent et qui viendront consulter, une thérapie peut être bénéfique. Elle implique naturellement une volonté de s’engager dans un processus de changement. Dans ce cas, le thérapeute amènera la personne à identifier ses états internes, réfléchir sur soi, développer l’empathie, prendre conscience de ce que l’autre vit, etc. On comprend bien qu’un accompagnement de ce type peut être long.

Quoiqu’il en soit, côté victime, il est beaucoup plus réaliste de se concentrer sur sa propre guérison plutôt que d’essayer de changer le comportement d’un NP. D’ailleurs, dans bien des cas, les personnes que je reçois ont usé leur corde jusqu’au bout en tentant de le faire. En vain.

Pour creuser le sujet ...

Vidéos Youtube :
Lectures :

Hirigoyen, M-F. (2011). Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien. Syros.

Todorova, E. (2021). Dis bonjour sale pute : comprendre le harcèlement de rue, le dénoncer et agir. Leduc.